56

 

 

 

Sans dire un mot, Grunthor prit dans ses bras l’Enfant Endormie qui gisait sur l’autel de Pierre Vivante et désigna de la tête le couloir conduisant à Ylorc. Il s’engagea dans le passage et courut avec Achmed sur une brève distance.

Puis il s’arrêta et pivota à angle droit en tenant toujours la fillette devant lui. Convaincu que Rhapsody pouvait le voir, il s’avança vers la paroi.

Le granit devint luminescent à l’instant où il y pénétra, avant de refroidir en laissant derrière lui un boyau dans la roche. Achmed suivit le géant à l’intérieur de l’abri qu’il venait de forer sur le côté du passage. Il se pencha en arrière pour adresser un signe à Rhapsody et s’éclipsa à son tour après l’avoir vue hocher la tête. Grunthor imprima à la paroi une forte poussée et le rocher qui s’était déplacé pour créer ce renfoncement revint reprendre sa place initiale, tel un rideau liquide qui refermait ce refuge.

Rhapsody fit lentement un tour complet sur elle-même, pour parcourir une dernière fois le Loritorium du regard. Dans les rues, les mares de souvenir argenté reflétaient les flammes du puits de feu et brillaient comme des torches. Elle avait fort à faire pour ne pas se laisser terrasser par le désespoir que lui inspirait la fin de ce qui avait été un beau rêve, une noble entreprise. Protection et recherche du savoir allaient être immolées sur l’autel de l’avidité et de la soif de pouvoir.

Sitôt certaine que ses amis et l’enfant étaient en sécurité dans l’abri mis à leur disposition par la Terre et isolés par l’opercule de roche, elle tira Clarion et pria les étoiles invisibles situées loin au-dessus d’elle d’intervenir ainsi qu’elles le devaient.

Dans cette atmosphère saturée de connaissance la lame flamboyante s’anima et rugit son appel claironnant. Un frisson parcourut en vibrant Rhapsody et la caverne où elle se tenait ; et elle eut pendant un instant l’absolue certitude que la Grand-Mère entendait ce son mélodieux et y puisait du courage. Elle ferma les yeux et se concentra, en pensant à une autre vieille femme, une guerrière qui avait décidé, seule et méconnue, de protéger le monde contre le F’dor.

J’ai vécu plus longtemps que je ne le devais, en attendant qu’une gardienne vienne prendre la relève. À présent que j’ai quelqu’un à qui transmettre ma charge, je peux enfin trouver la sérénité à laquelle j’aspire depuis si longtemps. Je vais finalement rejoindre ceux que j’aime. Il n’y a pas que l’immortalité en ce monde, vois-tu, Rhapsody ?

Des paroles de sagesse issues des lèvres de l’Enfant Endormie.

Brûle-les.

Rhapsody surmonta les nausées qui croissaient en elle. Peu importait que ce soit l’ordre de la Grand-Mère ou une nécessité. Elle serait celle qui provoquerait le trépas de la dernière Dhracienne. Elle la brûlerait vive. Il y avait en outre une autre chose, un détail se rapportant à une telle immolation qui rôdait à la périphérie d’un vague souvenir, mais elle ne pouvait se rappeler de quoi il s’agissait, comme si l’information avait été effacée. Elle secoua la tête pour clarifier ses pensées et se concentrer sur son arme.

Elle sentit la puissance entrer en expansion au tréfonds de son être, renforcer sa détermination, transiter par ses mains serrées sur la poignée de Clarion l’Étoile du Jour. Le doute et la tristesse engendrés par la mort imminente de la Grand-Mère s’évaporèrent comme de la rosée sous les feux du soleil levant. Rhapsody et son épée avaient fusionné en une seule entité.

C’est toi, Rhapsody ; je l’ai su sitôt que je t’ai vue. Même si tu n’avais pas été une des Trois, je crois dans mon cœur que tu étais destinée à faire cela, l’authentique Iliachenva’ar.

Rhapsody regarda le puits de feu et écouta son chant. Elle avait franchi les flammes du noyau de la Terre, ce brasier qui était à l’origine de celui-ci. Ce feu ne l’avait pas brûlée, il avait filtré dans son âme pour devenir un composant de son être.

Son principal élément.

Il ne lui ferait aucun mal. Il était à ses ordres.

Rhapsody pointa Clarion vers le puits de feu. Elle put y voir le reflet de ses yeux, des yeux verts ignés dont les nuances se fondaient dans celles de la flamme ondoyante.

Brûle-les.

« Vingka jai », dit-elle en mettant à contribution ses connaissances de la science des Baptistrels. Sa voix vibrante d’autorité emplit la caverne du Loritorium. Consume tout et propage-toi.

Elle se concentra pour garder les yeux ouverts face à la boule de feu qui venait d’apparaître.

Les flammes jaillirent de la lame de Clarion et, attisées par la colère du juste, elles formèrent un arc éblouissant entre la pointe de l’épée et la source. Quand son feu atteignit celui de la Terre, les deux fusionnèrent en un rai de clarté plus aveuglant que tout ce que Rhapsody avait déjà eu l’occasion de voir, même dans l’embrasement stellaire ayant servi à allumer le bûcher funéraire de Jo. Une union du feu et de la Terre, de l’éther des étoiles et des flammes élémentales les plus pures. Le rai igné embrasa la mèche liquide préparée par Achmed et envoya un rideau de feu crépiter dans les hauteurs du plafond voûté.

Puis, en libérant un rugissement qui ébranla le sol, les flammes se propagèrent au combustible et envahirent le tunnel, les ruines de la Colonie. La sphère de feu démesurée roulait et emplissait tout l’espace, projetant chaleur liquide et lueurs aveuglantes dans la totalité des crevasses, poursuivant son expansion pour atteindre les limites de la caverne et des couloirs. Le feu se déversa sur Rhapsody et l’emplit d’une chaleur et d’une joie exquises ; et elle entendit lors de son passage le chant du feu du noyau de la Terre, un chant qu’elle avait conservé en elle depuis qu’elle l’avait entendu pour la première fois. Ce fut pour elle comme une renaissance et elle fut débarrassée de la souffrance et du chagrin qui avaient trop longtemps pesé sur ses épaules.

Des sons hideux s’élevèrent des ruines de la Colonie, des hurlements d’une intensité démoniaque qui se répandaient dans le Loritorium, ébranlaient ses murs roussis. Rhapsody tint son épée plus fermement encore, se concentrant pour diriger le souffle purificateur dans les tunnels effondrés et se le représenter alors qu’il consumait l’enchevêtrement de racines et le réduisait à néant.

« Cerant ori sylviat », ordonna-t-elle. Brûle jusqu’à ce que tout soit consumé. Le rugissement des flammes s’amplifia dans le lointain, et les gémissements du serpent-liane gigantesque faillirent lui rompre les tympans.

Sur un concert de flammes, Rhapsody débuta le Chant du Passage des Lirins, un hymne funèbre destiné à la Grand-Mère. Bien qu’elle eût passé toute sa vie sous terre, la Matriarche dhracienne descendait elle aussi des Kiths, la race du vent. Le vent qui emporterait peut-être ses cendres pour leur permettre de danser librement au-dessus du monde, un lieu qu’elle n’avait jamais vu des hauteurs. Le chant fendait la cacophonie et se fondait harmonieusement dans les tourbillons ignés.

Puis les flammes se réduisirent et moururent, emportant avec elles le peu d’air qui subsistait dans la caverne. Un silence hanté d’échos gronda d’un bout à l’autre du Loritorium, avant de se réduire à un sifflement menaçant. Rhapsody tomba à genoux et hoqueta pour reprendre son souffle au milieu de la nappe de fumée.

Celle qui guérit tue aussi.

L’énormité de ce qu’elle venait de faire subir à la Grand-Mère la terrassa et, prise de nausées, elle vomit.

 

Grunthor et Achmed couvrirent tant leurs yeux que leur crâne et abritèrent l’Enfant Endormie pendant que le retour de flamme remontait le tunnel en grondant et passait devant leur abri. La chaleur irradiée par la paroi de roche roussit leurs vêtements. Ils échangèrent un regard. Achmed manqua sourire de la frayeur évidente du géant.

« Va-t-elle bien ? »

Grunthor le confirma de la tête. Ils attendirent le retour du silence, qu’aucun son ne vint alors troubler.

« Restons ici, elle ne tardera guère.

— Comment pouvez-vous le savoir ? »

Achmed s’adossa à la paroi rocheuse. « J’ai appris quelques-uns de ses tours. Quoi qu’on puisse croire ou espérer, cela se produit miraculeusement. En ce qui la concerne, à tout le moins. Ça a marché pour la ramener à la vie. Ça marchera encore. »

Grunthor acquiesça en hésitant avant de reporter son attention sur l’Enfant de la Terre qu’il tenait toujours dans ses bras. Elle dormait paisiblement, pour la première fois, si profondément qu’elle ne semblait plus respirer. Il la regardait inhaler et exhaler imperceptiblement, comme fasciné par cette vision.

Ils avaient partagé le même corps pendant un bref instant et cette expérience lui avait apporté la compréhension de nombreux secrets de la Terre, même s’il n’aurait pu en expliquer un seul. Avoir senti en lui les battements du cœur du monde, une vibration qui surpassait toute autre chose et dont la disparition le laissait désemparé, avait eu un caractère quasi sacré.

Il s’intéressa au visage de la fillette qu’il pouvait voir malgré l’obscurité profonde, des traits taillés à la serpe et privés comme les siens de finesse, tout en étant bizarrement beaux et réguliers. Il savait que les larmes boueuses qui coulaient en silence sur ses joues polies étaient pour la Grand-Mère, qu’elle la veillait en silence. Il n’ignorait plus le sens de ce que la Matriarche avait voulu dire en déclarant connaître le cœur de l’enfant. Peut-être même partageait-il lui aussi ce savoir, désormais.

Ce fut seulement quand Achmed s’agita avec nervosité et se pencha vers les roches qui condamnaient l’entrée de leur refuge qu’il prit conscience de la durée de l’absence de Rhapsody. Le roi colla l’oreille à la paroi.

« Quelque chose ? » lui demanda Grunthor lorsqu’il se recula.

Achmed secoua négativement la tête.

« Et toi, perçois-tu sa présence ? »

Grunthor se concentra. « Non. Tout est brouillé, comme si le sol était encore sous le choc. Je ne peux rien affirmer. »

Achmed se leva en tremblant. « Il est possible que je ne puisse pas entendre son cœur pour la même raison. » De l’angoisse se lisait dans les yeux du géant. « Nous allons lui laisser encore un instant puis, si elle ne s’est toujours pas manifestée, nous partirons à sa recherche. » Il se colla une fois de plus à la pierre, pour écouter les sons qui s’élevaient au-delà… sans en capter un seul.

« Rhapsody ! » Un cri inutile qui revint sous forme d’écho et fut absorbé par la terre. Il se tourna vers Grunthor, les yeux brillants.

« Ouvre », lui ordonna-t-il sèchement en désignant la barrière minérale.

Le géant modifia prudemment sa prise sur l’Enfant de la Terre pour libérer une main et la tendre à l’intérieur du mur. Un bloc important bascula devant lui. Comme si elle réagissait à son initiative, Rhapsody les appela à cet instant.

« Grunthor ! Achmed ! Êtes-vous indemnes ? »

Le géant se dressa et s’avança dans la pierre pour y dégager un chemin. Arrivé dans l’autre passage, un sourire las égaya son visage.

« Eh bien, on peut dire que Vot’ Seigneurie a pris son temps ! On s’est fait un sang d’encre ! »

Rhapsody tendit la main à Achmed pour le tirer hors du refuge. « Vous pouvez bien parler ! rétorqua-t-elle. Je vous ai longtemps cru dans la Colonie, enfoui sous un amas de rochers. » Elle cessa de sourire lorsqu’elle le vit sortir du trou avec l’Enfant Endormie dans les bras. « Je dois admettre que j’ai bien cru que tout était perdu, quand je l’ai vue marcher. Qu’avez-vous fait, fusionné avec elle comme avec la pierre ?

— Ouaip ! De quoi est-ce qu’elle est constituée, d’après vous ? répondit simplement Grunthor. J’me sentais pas capable de l’emporter loin du danger dans un bazar pareil, alors j’ai opté pour la solution de facilité. »

Achmed désigna l’entrée de la Colonie. « Venez… »

 

Le silence absolu qui régnait dans l’immense tunnel n’était interrompu que par les craquements et crépitements occasionnels des cendres qui noircissaient les parois et le sol. Autour et au-dessus d’eux, là où la plante démoniaque avait défoncé la caverne, ne subsistaient que des fragments calcinés de la racine et des ruines labyrinthiques du tunnel qu’elle avait foré pour arriver jusqu’à eux.

Achmed se pencha au-dessus de ce qui avait été l’arche surplombant le catafalque de l’Enfant Endormie et passa ses doigts sur les lettres désormais brisées de l’inscription qui y avait figuré. Elle avait autrefois mis en garde un monde qui ne l’avait jamais lue contre les dangers guettant ceux qui troubleraient le repos de la dormeuse. À présent, ces mots jonchaient le sol, privés de sens par leur éparpillement.

La main de Rhapsody se posa sur son épaule. « Est-ce que ça va ? »

Il hocha distraitement la tête. Il y avait ici, quelque part, les cendres de la Grand-Mère, inextricablement mêlées à celles de la liane démoniaque, aussi inséparables que les destins entrecroisés du Dhracien et du F’dor. Penser qu’il en irait toujours ainsi quand viendrait la fin des Temps l’attristait. Il essuya la terre qui maculait ses mains et baissa les yeux sur le tunnel tortueux suivi par la racine.

« Il se poursuit jusqu’à la Maison du Souvenir, à deux cents lieues d’ici ou plus, fit-il en scrutant les ténèbres. C’est ennuyeux. Il s’agit d’une voie d’accès pour le F’dor et elle nous rend vulnérables.

— Pas pour longtemps », déclara gaiement Grunthor.

Il rapprocha l’Enfant Endormie de sa poitrine et ferma les yeux en percevant le sang de la vie de la Terre à proximité de son cœur. Il tendit la main et l’appliqua sur la paroi.

Rhapsody et Achmed reculèrent d’un bond quand le tunnel se dilata puis s’effondra, comblant la trouée monstrueuse attribuable à la liane. La Terre se réappropria cet espace d’un haussement d’épaules et referma le boyau par lequel le F’dor avait pénétré dans la montagne.

Rhapsody regarda les hauteurs. Malgré les déplacements d’énormes quantités de terre, seul un léger voile de poussière tomba sur eux. Elle s’intéressa de nouveau à Grunthor. Devenu translucide, il irradiait le halo qu’elle avait déjà eu l’occasion de voir lorsqu’ils suivaient en rampant l’Axis Mundi. L’Enfant de la Terre, pensa-t-elle avec affection.

Quand sa luminescence décrut, Grunthor écarta la main de la paroi puis se tourna pour annoncer :

« C’est fermé.

— Jusqu’en Navarne ? » Achmed semblait en douter.

« Ouaip !

— Comment as-tu fait ? »

Le sergent bolg sourit à l’enfant qu’il tenait dans ses bras. « On m’a aidé, m’sieur. »

Une fois la caverne scellée, les Trois repartirent vers le Loritorium. Rhapsody caressa avec tendresse le front de l’Enfant Endormie qui soupira dans son sommeil.

« Qu’allez-vous faire d’elle, Achmed ?

— La protéger.

— C’est évident. Je me demandais où… »

Le roi firbolg regarda autour de lui les ruines du Loritorium, les sculptures admirables craquelées et mutilées, les magnifiques fresques et mosaïques noircies par la suie, les mares de souvenirs évaporées. « Ici. J’ai tout d’abord envisagé de la ramener dans le Chaudron pour faciliter sa surveillance, mais ce serait pour elle bien trop perturbateur.

» C’est vraiment le lieu idéal. Il est assez profondément enfoui pour que les Bolgs ne troublent pas son repos. Elle pourra dormir sur l’autel de Pierre Vivante ; elle a semblé y jouir d’un sommeil paisible. »

Rhapsody opina. « Peut-être y trouvera-t-elle du réconfort.

— C’est possible. Nous devrons refermer le tunnel que nous avons ouvert pour descendre et protéger les lieux par d’autres pièges. Il y a suffisamment de combustible dans ce puits pour façonner un volcan personnel, si nécessaire. Puis, lorsqu’il aura recouvré ses forces, Grunthor rouvrira un unique passage reliant le Loritorium à mes appartements. Si le F’dor tente autre chose contre elle, je veux l’obliger à m’affronter au préalable. Ce sera un véritable cauchemar au niveau de la conception, mais je nous crois capables de résoudre tous les problèmes. »

Rhapsody acquiesça pendant que le géant déposait l’enfant sur l’autel. « Il recommencera, vous le savez.

— Évidemment. Mais je doute qu’il utilise les mêmes méthodes. Il lève une armée pour attaquer les Terres des Bolgs. Je ne sais trop comment il compte opérer, mais je suis certain que c’est ce qu’il fera. Voilà pourquoi il a pris Ashe pour cible, car il est le descendant des diverses lignées royales cymriennes tout autant que le fils de l’Invocateur. Il aurait pu revendiquer le trône de Roland, et Manosse se serait rallié à lui, comme tous les Cymriens des Premières Générations non inféodés à qui que ce soit. Anborn, par exemple.

— Ceux de Tyrian également, surenchérit Rhapsody. Sa mère était une Lirin. » Les propos qu’Oelendra avait tenus devant le feu rugissant lui revinrent à l’esprit. Si le F’dor a pu le lier pour imposer ses volontés au dragon, je frémis en pensant à la façon dont il aurait utilisé ce pouvoir pour contrôler les éléments eux-mêmes. « Le monde entier doit se féliciter qu’il ait réussi à s’enfuir. »

Achmed regarda les ruines qui le cernaient. « L’armée d’Ashe aurait probablement été capable de réaliser ce que celle d’Anwyn n’a pu faire… prendre la montagne. Il aurait été l’hôte idéal, pour le F’dor, mais il lui a échappé puis est resté introuvable pendant vingt ans. À présent qu’il le sait en vie, le F’dor fera tout son possible pour mettre la main sur lui.

— C’est son problème, déclara Rhapsody avec détermination. Nous lui avons fourni les outils nécessaires à sa survie. Il s’est réapproprié son âme, il a recouvré son intégrité et il ne souffre plus. Il pourra continuer de se dissimuler, si besoin est. Il l’a fait pendant vingt ans. Il saura s’en tirer. »

Un sourire narquois gauchit la bouche d’Achmed. « Je ne saurais dire à quel point vous entendre parler ainsi me réchauffe le cœur. Dois-je en conclure que vos rendez-vous galants appartiennent au passé ?

— Oui, répondit-elle en détournant les yeux.

— Quels sont vos projets, en ce cas ? »

Elle se redressa et Achmed fut frappé par son allure martiale. « Tout d’abord, je veux m’assurer qu’Ylorc n’est pas laissé à l’abandon, et vous apporter – à vous et à Grunthor – toute l’aide dont vous aurez besoin pour isoler le Loritorium et placer l’Enfant de la Terre en lieu sûr. Après quoi je m’accorderai un jour pour faire le deuil de Jo, chanter des hymnes funèbres et des lamentations pour tout ce que nous avons perdu. » Achmed opina en remarquant que le regard de Rhapsody n’avait pas vacillé lorsqu’elle s’était référée à sa sœur et à la Grand-Mère. « Après quoi, si vous estimez que les Terres des Bolgs peuvent se passer momentanément de vous, je solliciterai votre assistance pour rechercher les divers enfants du F’dor.

— Seulement si vous avez l’intention de les éliminer, déclara Achmed sur un ton de mise en garde. Néanmoins, et compte tenu de l’incompréhensible tendresse que vous inspirent toutes les créatures en bas âge, je vous vois mal mener à bien une telle entreprise.

— Je n’ai pas l’intention de les éliminer si ce n’est pas une nécessité, ce que je ferai autrement sans la moindre hésitation. La situation est la même que pour Ashe. Il s’agit d’individus dont l’âme est humaine même s’ils ont du sang de démon dans les veines. Il est possible de les aider. Ils en ont grand besoin.

— Comment avoir la certitude que ce ne sont pas de petits monstres identiques au Rakshas ? » s’enquit-il avec irritation. Il n’appréciait guère le tour que prenait cette conversation.

« Leurs mères étaient humaines, et l’âme d’Ashe était toujours présente dans le Rakshas. Le fait qu’un des parents ait une âme transmet cette dernière à sa progéniture. Ce ne sont pas des monstres, Achmed, pas plus que les Bolgs. Ce sont des enfants, des enfants dont le sang est impur. Si nous réussissons à le purifier, au moins échapperont-ils à la damnation éternelle.

— Le risque n’en vaut pas la chandelle ! s’emporta-t-il. Chacun d’eux peut déjà être lié au F’dor. Nous devons affronter ce dernier selon nos conditions et non les siennes. »

Le sourire que lui adressa Rhapsody était glacial. « Absolument. Votre capacité à flairer le sang de l’ancien monde m’aidera à les localiser. S’il est possible d’extirper le composant démoniaque de leurs fluides vitaux, je vous le remettrai. Vous disposerez alors d’échantillons du sang du F’dor, une piste bien nette à flairer. » Elle s’intéressa à Grunthor qui tendait l’oreille. « Nous pourrons enfin le trouver. Il nous en a donné le moyen. »

Le sang sera le moyen.

Le roi et le sergent échangèrent un regard, puis Achmed se tourna vers elle.

« Entendu, dit-il finalement. Mais ne vous méprenez pas, Rhapsody. Si un des rejetons du démon représente la moindre menace pour l’un d’entre nous, je lui trancherai la gorge sans lui laisser le temps de dire ouf, et je le réexpédierai dans les royaumes de son père. La question ne sera pas ouverte à discussion et il n’y aura aucune exception. Vous pliez-vous à cette condition ? »

Rhapsody hocha la tête. « Elle me semble acceptable. »

Prophecy, Deuxième Partie
titlepage.xhtml
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_000.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_001.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_002.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_003.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_004.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_005.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_006.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_007.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_008.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_009.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_010.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_011.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_012.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_013.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_014.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_015.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_016.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_017.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_018.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_019.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_020.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_021.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_022.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_023.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_024.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_025.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_026.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_027.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_028.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_029.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_030.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_031.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_032.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_033.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_034.htm
Haydon, Elizabeth [LaSymphonieDesSiecles4]Prophecy, 2eme partie_split_035.htm